Rapport alternatif à mi-parcours sur les réponses de l’Etat haïtien envers les recommandations Du troisième cycle de l’Examen Périodique Universel
- Contexte du rapport
En janvier 2022, Haïti a été évaluée par ses pairs dans le cadre du 3e cycle d’Examen Périodique Universelle (EPU). Pas moins de 205 recommandations ont été faites et acceptées par l’État haïtien en vue de tout mettre en œuvre afin de faire respecter les droits de l’homme des citoyens haïtiens. En effet, en ratifiant plusieurs conventions internationales des droits de l’homme, l’État haïtien s’engage, en conséquence, à tout mettre en œuvre pour garantir l’accomplissement des droits envers les citoyens et envers la communauté internationale. De fait, tous les États sont tenus de respecter leurs obligations de garantir l’accès aux droits et d’améliorer le cadre de vie pour le plein épanouissement des citoyens en ce qui concerne la dignité humaine. L’exercice de l’EPU se renouvelle tous les 4 ans, avec un regard à mi-parcours, tous les deux ans. Il s’agit, en quelque sorte de fournir un compte rendu sur l’état d’avancement de la mise en œuvre des recommandations acceptées par Haïti, question de rappel aux engagements pris devant ses pairs et réorienter en cas d’inconsistance.
A ce regard, Haïti est à mi-chemin de la mise en œuvre des recommandations de 2022 ; Elle doit rendre compte de son processus auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Dans la même foulée, la société civile haïtienne a suivi les actions et omissions de l’État haïtien afin de proposer un rapport alternatif qui, nécessairement doit faciliter un regard équilibré sur la situation réelle des droits humains dans le pays. De ce fait, sous la direction du Combite pour la Paix et le Développement (CPD), avec le support financier du bureau de Haut-commissariat des Nations Unies aux Droit de l’Homme en Haiti,des dizaines d’organisation de défenses et de protection des droits humains se sont jointes pour élaborer ce rapport d’observation sur l’état des droits humains et les réalisations de l’État haïtien en lien avec les recommandations de l’EPU.
Le rapport à mi-parcours de la société civile haïtienne a pour objectif d’informer le conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur la situation réelle et objective des droits humains en Haïti. Il prend en compte les réalisations et les manquements de l’État haïtien en rapport avec les dernières recommandations assorties du troisième cycle de l’examen périodique universel d’Haïti. Le rapport attire l’attention sur les défis actuels et propose de nouvelles approches de suivi des recommandations avant la fin du cycle en 2026.
- Méthodologie
Pour élaborer ce rapport, CPD a mobilisé environ 37 organisations à travers les dix départements du pays. Nous avons constitué un réseau à travers la plateforme WhatsApp qui a facilité les échanges d’informations. Nous avons, dans un premier temps partagé des grilles d’analyse et formé les membres du réseau sur les techniques et principes de monitoring et d’analyse des données. Selon la grille d’analyse, chaque organisation devait surveiller certaines recommandations spécifiques à leurs champs de travail et fournir les informations à CPD. Par la suite, nous avons organisé deux rencontres présentielles à Port-au-Prince, au Cap haïtien et une dernière rencontre virtuelle avec celles qui se trouvent enclavées dans le grand sud à cause de l’accès difficile des routes nationales contrôlées par les gangs armés. Nous avons enregistré la participation de 37 organisations dans ces trois activités. L’équipe de CPD, avec l’aide d’un expert consultant a produit le rapport final qui a été soumis une dernière fois à la validation des membres lors d’un webinar au cours du mois octobre 2024.
Dans l’ensemble, l’approche abordée dans le rapport utilise des données d’observation des organisations de proximité et aussi des rapports d’autres institutions évoluant dans le pays.
- Introduction
Au moment où nous écrivons ce rapport, Haïti se trouve dans un contexte sombre de son histoire. C’est un pays marqué par l’instabilité politique, économique et sociale qui continue de faire face à des nombreux défis en matière de respect des droits humains. Les libertés publiques, l’égalité des sexes, le droit à la justice et les droits économiques, sociaux et culturels sont au cœur des préoccupations dans une atmosphère où l’insécurité croissante, la corruption et l’effondrement des institutions compromettent l’exercice des droits fondamentaux. Ce rapport donne un aperçu sur les réalisations et les manquements de l’État haïtien en rapport avec les recommandations de l’Examen périodique Universel 2022. Notre regard est davantage porté sur les libertés publiques, l’Egalité des sexes et les violences sexuelles, le droit à la justice, la situation humanitaire et les principaux droits économiques et sociaux, la corruption et la situation des personnes en situation d’handicap, ect…
L’approche utilisée a tenu compte également des observations empiriques à la suite des actions de monitoring des organisations de base, mais aussi des données institutionnelles émanant des rapports récemment publiés sur Haïti. Ce rapport est la résultante de la collaboration de plus de 36 organisations de la société civile haïtienne regroupées autour de CPD.
- Les libertés fondamentales et l’espace publique
Nous avons relevé plus d’une dizaine de recommandations en rapport avec les libertés fondamentales, l’espace civique et la sécurité de la personne acceptées lors de la dernière évaluation en 2022. Notons, par exemple, la recommandation #117, faite par le JAPON, « Adopter des mesures adéquates pour assurer la sécurité des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des autres citoyens contre les attaques, les menaces et l’intimidation » ; et aussi, une dizaine d’autres abondant dans le même sens telle : 60, 61, 62, 63,65, 66, 67, 68, 118 (Canada), 119, etc.
2.1 Etat des lieux : Globalement, entre 2022 et 2024, l’espace civique en Haïti est profondément affecté par une série de crises interconnectées, notamment l’insécurité, la défaillance des institutions étatiques, et la prolifération des gangs armés. Ces facteurs ont eu un impact direct sur l’exercice des libertés publiques, telles que la liberté d’expression, la liberté de circulation, la liberté d’association et de réunion pacifique, et la liberté de la presse. Dans un contexte marqué par l’instabilité politique et une crise économique exacerbée, l’espace civique haïtien se rétrécit de plus en plus, rendant difficile l’exercice des droits fondamentaux pour la population.
- Liberté et sécurité de la personne
( Recommandations # 60 – 61 -62-63- 64 -65- 66- 67 -68)
Il y règne un temps de terreur en Haïti. Les meurtres et les assassinats sont légions. D’un côté, les gangs armés kidnappent, torturent et tuent les membres de la population civile ; de l’autre côté, les forces de l’ordre et certaines autorités judiciaires pratiquent des exécutions sommaires tandis que des membres de la population pratiquent le lynchage sous forme de justice populaire connue sous le vocable « Bwa-kale ».
3.1 Etat des lieux.
Entre février et mai 2022, le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a rapporté 238 cas de violations des droits humains par la police, dont 42 meurtres. Pour les trois premiers mois de l’année 2024, le nombre de cas d’homicide signalé est de 2505[1] incluant des cas attribués aux gangs, aux forces publiques et aux actes de lynchage. Les organisations de défense des droits humains qui travaillent sur le terrain a proximité des gens dans les quartiers populaires ont observé au quotidien des cas d’homicide notamment commis par des forces de l’ordre. Entre Mars et juillet 2024, CJLAP a rapporté 609 cas de morts violents.
Pour illustration, le 26 avril 2024, deux jeunes mécaniciens (D.B. 36 ans et C. A, 25 ans) de la commune de Cité soleil ont été abattus froidement par des policiers CIMO sur la route de l’aéroport. Ils auraient été qualifiés à tort de bandits parce qu’ils portaient des vêtements de travail et qu’ils ne paraissaient pas propres aux yeux des policiers. Plus de 27 personnes de la population civile sont tuées et 30 blessés entre le 25 et 26 avril au local du Caribbean Port Services (CPS) à la Saline. Cette tuerie est survenue au moment où ces individus étaient entrain de casser un dépôt de nourriture. Femmes et enfants n’ont pas été épargnés, car les policiers restaient à l’intérieur de leurs véhicules blindés et tiraient sur tout ce qui bougeait.
Les massacres perpétrés par les bandits armés sont de plus en plus sanglants. Le 01 octobre, 36 personnes sont tuées à Pont Sondé, département de l’Artibonite ; elles étaient attaquées par le gang dénommé Gran grif.
Dans les Nippes, la situation sécuritaire est relativement stable sous couvert des actes souvent arbitraires du Commissaire du Gouvernement de Miragoâne qui, pratique ouvertement des exécutions sommaires contre quiconque accusé de bandits. Aucune enquête n’a été faite pour établir les limites de l’arbitraire et la distribution d’une saine justice par ce commissaire.
Les violations commises par les forces de l’ordre sont couvertes par le contexte de lutte contre les gangs. L’inspection générale de la police qui joue le rôle de contrôle interne mène très peu d’enquêtes sur les actes allégués d’arbitraire par les policiers. La majorité des crimes commis par les forces de l’ordre sont classées dans le cadre d’échanges de tirs avec les bandits armés. D’où ce vocable très utilisé pour ces cas de crimes commis par les forces de l’ordre, le concept ‘mortellement blessé’.
Devant la fureur des gangs, la justice haïtienne est inexistante. Il n’y pas eu de procès pour les crimes commis par les gangs armés. Aucun chef de gang connu n’a été arrêté. Les bilans de la police rapportent généralement des petits soldats neutralisés ou arrêtés lors des opérations. Les bandits redeviennent plus forts et ont mis les forces de l’ordre en déroute dans beaucoup de commune du pays. Par exemple tout l’arrondissement de la Croix des Bouquets avoisinant les 1 million d’habitants, est livré au gang des 400 mawozo. Même situation dans les Communes de Petite rivière de l’Artibonite, Liancourt, Verrettes, Gressier, etc..
1. Liberté fondamentale (accès à la libre Circulation)
( Recommandations # 60 – 61 -62-63- 64 -65- 66- 67 -68)
L’insécurité généralisée est l’un des principaux obstacles à la liberté de circulation en Haïti en 2024. Des gangs armés contrôlent de vastes portions du territoire, notamment de Port-au-Prince et de ses environs. Les routes principales sont souvent bloquées par des barrages ou prises en otage par des affrontements violents entre gangs rivaux, rendant certains quartiers complètement inaccessibles. Cette insécurité restreint non seulement la liberté de mouvement des citoyens, mais elle compromet également l’accès à des services essentiels comme la santé, l’éducation et le commerce.
4.1 Etat des lieux
Les Haïtiens qui vivent dans ces zones sous le contrôle des gangs se retrouvent souvent coupés du reste du pays, incapables de se déplacer librement ou de poursuivre leurs activités quotidiennes. Depuis plus d’un an, les départements du Sud, Sud-Est, les Nippes et la Grande Anse sont coupés du reste du pays par voie terrestre. Les gangs ont bloqué la route à Gressier à environ 25 kilomètres de la capitale. De plus, entre le tronçon Gressier et Port-au-Prince, les gangs ont établi trois postes de rançonnage à Mariani, Fontamara et Martissant. Les véhicules de transport de passagers et de marchandises sont systématiquement facturés à chaque poste. Les voitures privées sont strictement interdites. La route nationale numéro un qui mène vers les départements de l’Artibonite, et le Nord est bloquée par les gangs à plusieurs points. De telle situation décourage les voyageurs et les commerçants qui ont préféré se terrer chez eux et suspendre toutes activités. En parallèle, certains acteurs économiques proposent des vols aériens entre les Cayes et Port-au-Prince à des prix exorbitants.
L’Etat haïtien de son côté, est muet. Aucune initiative majeure et importante n’a été prise pour débloquer les routes ; aucunes propositions alternatives ne sont offertes à la population. Les forces kényanes présentes en Haïti en support à la police nationale n’ont pas encore démontré leur capacité. Bref, les résultats attendus en matière de sécurité sont inefficaces.
2. Liberté d’expression et de la presse
(Recommandations# 117 ,118,119,120)
La liberté de la presse et d’expression, pourtant garanties par la Constitution haïtienne, le pacte international aux droits civils et politique et la convention interaméricaine des droits de l’homme dont le pays adhère, se trouvent gravement menacées en 2024. Les journalistes haïtiens qui couvrent des sujets sensibles, tels que la corruption, la violence des gangs ou les abus de pouvoir, sont régulièrement victimes de harcèlement, d’intimidation et parfois d’assassinats. En raison de l’absence de protection pour les journalistes et de la forte présence des gangs dans le pays, de nombreux reporters ont choisi de s’autocensurer ou de fuir le pays par crainte pour leur sécurité.
Les médias indépendants, autrefois considérés comme des bastions de la liberté d’expression en Haïti, peinent aujourd’hui à fonctionner dans ce climat hostile. Les attaques contre la presse accentuent le manque de transparence et d’accès à une information fiable pour la population, limitant ainsi leur capacité à participer pleinement au débat public et à l’exercice de la démocratie.
5.1 Etats des lieux
Entre 2022 et 2024, Haïti a enregistré de nombreux cas de violences envers des journalistes et travailleurs de la presse. En voici quelques cas.
- Maximilien Lazard, un journaliste travaillant pour un média en ligne, a été assassiné par des hommes armés en octobre 2022 à Port-au-Prince. Il a été abattu alors qu’il couvrait une manifestation contre l’insécurité croissante dans la capitale.
- Roberson Alphonse, journaliste reconnu travaillant pour Le Nouvelliste et Radio Magik9, a été la cible d’une attaque armée le 25 octobre 2022 alors qu’il se rendait à son travail à Port-au-Prince. Bien que Roberson Alphonse ait survécu à cette attaque, il a été grièvement blessé et cette tentative d’assassinat a illustré la violence extrême à laquelle sont exposés les journalistes haïtiens.
- Les journalistes Frantzsen Charles et Tayson Latigue ont été tués par des gangs armés le 11 septembre 2022 dans la commune de Cité Soleil, un quartier particulièrement violent de Port-au-Prince. Les deux journalistes étaient sur le terrain pour couvrir la situation d’insécurité dans cette zone lorsqu’ils ont été attaqués. Leurs corps ont été retrouvés mutilés, ce qui a provoqué un choc au sein de la presse haïtienne et de la communauté internationale.
- En 2023, de nombreux journalistes ont signalé avoir été victimes de menaces de mort et de harcèlement de la part de gangs armés ainsi que de membres de la police. Plusieurs stations de radio et de télévision ont dû cesser temporairement leurs activités en raison de l’insécurité généralisée et de la peur des représailles. Ces menaces ont souvent été liées à la couverture des conflits armés entre gangs ou des manifestations contre le gouvernement.
- Garry Marcelin, journaliste de la radio Zénith FM, a été tué le 6 juin 2023 à Port-au-Prince. Il a été attaqué par des hommes armés alors qu’il rentrait chez lui après avoir animé une émission critique à l’égard du gouvernement et de la montée en puissance des gangs.
- Nesly Lunion, un journaliste et correspondant local travaillant pour une radio communautaire dans la ville des Cayes, a été assassiné en juin 2023. Nesly Lunion était connu pour son engagement à couvrir les sujets sociaux et économiques de la région. Il a été attaqué par des individus armés alors qu’il rentrait chez lui après avoir animé une émission sur la crise humanitaire qui affectait le sud d’Haïti à cette période.
- Le 10 novembre 2022, Wendel Bien-Aimé, un journaliste de la radio Renaissance FM à Petit-Goâve, a été tué par des individus armés alors qu’il rentrait chez lui après une journée de travail. Wendel Bien-Aimé était reconnu pour ses reportages critiques à l’égard des gangs et de l’insécurité dans la région.
- En 2023 et début 2024, plusieurs journalistes locaux ont été contraints de quitter temporairement Petit-Goâve après avoir été la cible de menaces directes pour leurs reportages sur la montée de l’insécurité. Certains médias locaux ont dû suspendre leurs émissions d’information en raison de ces pressions, réduisant l’accès à des informations indépendantes pour la population locale.
- En février 2023, Max Henry, un journaliste bien connu travaillant pour Radio Cap-FM, a été tué par des inconnus alors qu’il se rendait à son domicile. Max Henry était réputé pour ses reportages critiques sur les pratiques de certaines autorités locales et sur l’influence croissante des gangs au Cap-Haïtien.
- Lors de manifestations contre l’insécurité au Cap-Haïtien en juin 2023, plusieurs journalistes qui couvraient les événements ont été victimes de violence. Des policiers auraient confisqué le matériel de certains reporters, les empêchant de documenter les répressions policières contre les manifestants.
- En août 2023, plusieurs journalistes couvrant des manifestations à Hinche ont été agressés par des membres de groupes armés locaux. Parmi eux, Jean-Robert Désir, un correspondant pour Radio Panique FM, a été violemment attaqué alors qu’il filmait les actions de protestation contre l’augmentation de l’insécurité et le coût de la vie.
- En janvier 2024, Alcibiade Cyprien, un journaliste indépendant, a été assassiné à Croix-des-Bouquets, en banlieue de Port-au-Prince. Il couvrait les affrontements entre groupes armés dans la région, ce qui lui a valu des menaces de mort à plusieurs reprises avant son décès.
- En 2024, de nombreux journalistes ont été contraints de quitter Haïti pour des raisons de sécurité après avoir reçu des menaces directes de la part de gangs armés ou d’individus proches du pouvoir. Les médias critiques sont particulièrement ciblés, et ceux qui dénoncent les exactions des gangs ou les manquements de l’État sont réduits au silence, souvent par des méthodes violentes.
3. Liberté d’association et de Réunion Pacifique (recommandations# 117,118,119,120)
La liberté d’association et de réunion pacifique, qui est au cœur d’un espace civique actif, est également gravement compromise en Haïti. Les manifestations pacifiques sont souvent réprimées par les forces de sécurité ou par des groupes armés, créant un climat de peur parmi les citoyens qui souhaitent exercer leur droit de protester. Entre 2022 et 2024, les manifestations contre le gouvernement, notamment sur les questions de sécurité, de corruption et de conditions de vie, sont fréquemment marquées par des violences, des arrestations arbitraires et des dispersions violentes.
Les organisations de la société civile et les défenseurs des droits humains rencontrent aussi des obstacles dans l’exercice de leurs activités. En raison de l’absence d’un État de droit fort et de la corruption endémique, ces organisations opèrent souvent dans un environnement extrêmement dangereux, où leur capacité à sensibiliser sur les droits humains et à promouvoir la démocratie est sérieusement limitée.
Dans le Département des Nippes, les organisations de défenses des droits humains sont interdites de travailler au Parquet de Miragoâne. Le Commissaire du gouvernement monsieur Jean Ernst Muscardin multiplie des déclarations dans la presse où il a menacé les défenseurs des droits de l’homme et les défendre de travailler dans sa juridiction.
Partout au pays, les responsables des commissariats de la PNH refusent de partager les informations sur les détenus avec les défenseurs des droits de l’homme. Certains sont menacés de représailles quand ils insistent pour exercer leurs droits à l’information.
4. Liberté de religion (recommandations# 117 ,118,119,120)
Bien que la liberté de religion soit globalement respectée en Haïti, les lieux de culte et les institutions religieuses ne sont pas à l’abri de la violence des gangs. Certaines églises et organisations religieuses ont été prises pour cible dans des attaques ou des enlèvements, notamment lors des offices religieux. Toutefois, malgré ces menaces, la population haïtienne continue de pratiquer ses croyances, et les églises jouent encore un rôle important dans le soutien communautaire et la défense des droits humains.
7.1 Etats des lieux
Le 8 octobre 2023, les bandits armés ont attaqué des fidèles à l’église du Christ à Delmas. Le 8 janvier 2023, 6 religieuses appartenant à l’Eglise catholique ont été enlevées par des gangs armés.
Dans tous ces cas et bien d’autres, les autorités policières n’ont pas appréhendé les agresseurs et cela est devenu un nouveau mode qui nuit à la liberté des cultes.
5. Droits des défenseurs des droits humains (recommandations# 117,118,119,120)
La société civile haïtienne, y compris les défenseurs des droits humains, joue un rôle essentiel dans la promotion des libertés publiques et la défense de l’espace civique. Cependant, en 2024, ces acteurs sont confrontés à des menaces croissantes, notamment des enlèvements, des assassinats et des intimidations de la part de groupes armés. Les défenseurs des droits humains qui dénoncent les violences, la corruption ou les abus de pouvoir sont particulièrement ciblés, ce qui complique leurs efforts pour tenir les autorités responsables et sensibiliser la communauté internationale aux violations des droits humains en Haïti.
8.1 Etats des lieux
· En 2023, Pierre l’Esperance, Marie Yolène Gille, Danielle Magloire des figures emblématiques dans le secteur des droits humain ont tous dénoncé avoir subi des menaces de morts et/ou des attaques contre leurs personnes
· Le militant des droits de l’homme John Joseph, coordonnateur de OCHAN-HAÏTI a été menacé de mort à carrefour feuille et le local de l’organisation a été saccagée après que le coordonnateur avait dénoncé des actes de corruption concernant la directrice de la Caisse d’assistance Sociale (CAS).
· Les enquêteurs et les autres [2]personnels du Combite pour la Paix et le Développement CPD ont subi de graves menaces de la part du groupe criminel G9 en famille,transformé en (Viv Ansanm ) après avoir publié un rapport sur les massacres dans les zones de Pont rouge et la Saline.
Malgré ces cas, le système judiciaire reste passif. Il n’y pas eu de poursuites judiciaires engagées contre les agresseurs même quand ils sont connus. La justice elle-même a fui ses principaux locaux à cause de la fureur des gangs. Le Palais de justice de Port-au-Prince a été attaqué et abandonné ; tous les tribunaux ainsi que la prison civile de Croix des bouquets sont détruits par les bandits. Le Pénitencier national a été vidé et détruit par les bandits. L’impunité continue de régner pour les violations des droits humains ainsi que les crimes de violences perpétrées par les gangs armés.
Bref, en 2024, l’espace civique en Haïti est de plus en plus restreint en raison de l’insécurité, des violences généralisées et de l’effondrement des institutions publiques. Les libertés publiques sont systématiquement violées dans la pratique, ce qui fragilise davantage le tissu social et politique du pays. La liberté de circulation, la liberté de la presse, la liberté d’expression et d’association sont sévèrement compromises, et les organisations de la société civile peinent à jouer leur rôle dans ce contexte difficile. Une réforme institutionnelle profonde et un engagement renouvelé de la communauté internationale sont nécessaires pour restaurer un espace civique où les libertés publiques peuvent être exercées pleinement et en toute sécurité.
6. Violence à l’égard des femmes & droits des femmes et filles.(recommandations# 168,169-170,171,172,173,174,175,176,177,178,179,180,1810
A l’EPU 2022, nous avons relevé 23 recommandations qui concernent l’égalité des sexes et les violences sexuelles. Elles exigent toutes à l’Etat haïtien de redoubler les efforts, par des mesures concrètes et efficaces pour combattre la violence à l’égard des femmes et aussi protéger et réparer les survivantes.
9.1 État des lieux
Considérant l’égalité, les femmes haïtiennes continuent de faire face à des discriminations systémiques dans presque tous les aspects de la vie publique et privée, que ce soit dans le domaine de l’éducation, de l’emploi ou de la participation politique. La clause sur le quota des 30% de femmes dans toutes les institutions n’est pas appliquée convenablement. Les femmes sont sous-représentées dans les institutions politiques et économiques, et leur accès aux postes de décision reste limité. Même durant la formation du CTP, une seule femme a été désignée sur 9 membres. De plus, elles sont souvent marginalisées en matière d’accès aux ressources économiques, ce qui accroît leur vulnérabilité à la pauvreté.
Les violences faites aux femmes et aux filles en Haïti sont un problème majeur. Les violences domestiques, les agressions sexuelles et le harcèlement sont monnaie courante, mais restent largement sous-déclarées en raison de la stigmatisation sociale et du manque de confiance dans le système judiciaire. Pour la période 2022-2023, une quantité de 1535 plaintes pour agressions sexuelles a été dénombré dans les registres de la police dans les cinq juridictions ciblées. Un total de 490 sont acheminés au parquet soit 31.9% contre 68,1%, soit 1008 cas, non traités par la justice. Pour les dossiers au parquet, sur les 490, un nombre de 101 dossiers, soit 20% sont classés sans suite tandis que l’action publique a été déclenchée pour 389, soit 80%. Le pourcentage de traitement au cabinet d’instruction est de 14.53% contre 85.47% qui sont censées en attente d’ordonnance ou libérées de manière informelle[1]. Dans le département de la Grande Anse, en 2024, l’organisation IDETTE a traité 58 cas de violences sexuelles. Un rapport interne de l’OPC en 2024 d’un millier de cas dans les départements du Nord-Est et de la Grande Anse.
Les groupes de défense des droits des femmes estiment que la situation s’est aggravée ces dernières années, notamment avec l’augmentation de l’insécurité dans le pays. Pour le premier semestre de l’année 2024, le BINUH a documenté 1543 cas d’agressions sexuelles à travers son système de monitoring.
7. L’administration de la justice et le Droit à un procès équitable. (recommandations# 81,82,83,84,85,86,87,88,89,90,91,92,93,94,95,96,97,98,99,100,101,102,103,104,105,106,107,108,109,110,111,112,113,114,115,116)
On a comptabilisé pas moins de 36 recommandations relatives à la justice. On avait recommandé particulièrement, d’envisager des réformes pénales, de combattre l’impunité, de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, d’accélérer le traitement des dossiers, de combattre la criminalité, etc.
10.1Etat des lieux
Le système judiciaire haïtien est paralysé par la corruption, l’incompétence des professionnels judiciaires et le manque de ressources. Le système de justice haïtien est notoire pour sa lenteur, et il n’est pas rare que les affaires traînent pendant des années sans aboutir. Les plus vulnérables se retrouvent souvent sans recours légal. Les crimes sont restés impunis.Les violations des droits humains, qu’elles soient commises par des gangs, des forces de l’ordre ou des personnalités influentes, sont rarement poursuivies. Cette impunité alimente un climat de méfiance vis-à-vis des institutions publiques et dissuade les victimes de chercher justice.
Les dossiers emblématiques instruits au cabinet d’instruction depuis belle lurette sont sans suivi. Par exemple, le dossier du massacre de Grand ravine en 2017, le massacre de la saline en 2018, le dossier de l’assassinat du bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Me. Montferrier Dorval, le dossier de l’assassinat du Président Jovenel Moise, etc.
En 2023, L’ULCC a transféré plus d’une dizaine de dossiers de corruption pour suivi à la justice. L’action publique peine encore à être déclenchée contre les présumés coupables. A n’en pas parler des crimes commis publiquement par les gangs armés qui restent sans suivi judiciaires.
Les détentions préventives prolongées sont également un problème chronique, des milliers de détenus étant incarcérés pendant des années sans jugement. Les prisons de la juridiction de l’Ouest ont été vidées et détruites par les gangs armés ; cela n’a pas ébranlé le taux de détention préventive prolongée dans les autres juridictions qui restent toujours élevées. Partout les grèves et la paresse des acteurs judiciaires continuent de gangréner le système.
En réponse, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire continue avec sa politique de certification des magistrats. Chaque année, il publie une liste de magistrats non qualifiés à poursuivre une carrière dans la justice ; souvent pour cause de corruption. Cependant, le CSPJ n’a pas les compétences de nomination et de révocation. Ses recommandations restent assez souvent sans suivi par le ministère de la Justice.
A ce point, nous devons insister sur l’autonomie du pouvoir judiciaire à jouir de son pouvoir décisionnel.
8. Le droit à un niveau de vie suffisante/ Travail, Santé et Education (recommandations# 129,130,131,132,133,134,135,136,137,138,139,140)
Il y a 12 recommandations relatives à ce droit plus une vingtaine en rapport avec les droits économiques et sociaux. Les plus saillantes sont : fournir les se services de base notamment l’accès à l’eau potable (Liban, Qatar, Suisse), élaborer un plan économique contre la pauvreté, (Mauritanie, Cuba, Chine, Népal, etc.), soutenir les efforts pour augmenter le bienêtre des enseignants (Tanzanie), garantir le droit à l’éducation (Chine, Uruguay, augmenter la scolarisation (Chypre), etc. A cela s’ajoutent une quarantaine de recommandations sur les droits économiques et sociaux tel que le droit à la santé, le droit au travail, le droit à l’éducation.
11.1 Etat des lieux.
En 2024, la situation du droit à un niveau de vie suffisant en Haïti est marquée par des défis considérables en matière de sécurité alimentaire, d’accès à l’eau potable, de logement et de services de santé. La majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté, avec un accès limité aux services de base. L’instabilité politique chronique, les catastrophes naturelles, et l’insécurité grandissante, notamment à cause des gangs, ont exacerbé la précarité des conditions de vie. Les communes de Croix des bouquets, Cité soleil, Une grande partie de la Capitale de Port-au-Prince, les communes de Gressier, Carrefour, Thomazo, Ganthier, Verrette, Liancourt, Petite rivière de l’Artibonite sont privées de la présence de l’Etat ; toute la population de ces zones est livrée à la merci des gangs armés.
Sécurité alimentaire : Haïti fait face à une insécurité alimentaire sévère, avec une grande partie de la population souffrant de malnutrition chronique. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), plusieurs départements sont classés en situation de crise alimentaire, et des milliers de familles peinent à accéder à une alimentation suffisante et nutritive. « La dernière analyse de l’IPC (mars à juin 2024) a révélé que près de 5 millions de personnes en Haïti sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë (IPC 3+), soit la moitié de la population analysée, contre 44% lors de l’analyse précédente. Parmi elles, environ 1,65 million sont en phase d’Urgence (IPC 4). Il s’agit du chiffre le plus élevé jamais enregistré, plaçant Haïti au troisième rang mondial en termes de pourcentage de sa population confrontée à une insécurité alimentaire aiguë. En plus de l’insécurité alimentaire en Haïti, plus de 580,000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays en raison de la violence des groupes armés, dont 185,000 à Port-au-Prince. Haïti est aussi exposé aux catastrophes naturelles, aggravées par le changement climatique, telles que les inondations, les glissements de terrain et les sécheresses[2] ». « En juin 2024, le PAM a soutenu 1,4 million de personnes en Haïti avec plus de 1.3 million de repas chauds, 4,840 tonnes de nourriture et 17.2 millions de dollars de transferts monétaires[3] ».
Accès à l’eau potable et aux services de santé : L’accès à l’eau potable demeure un problème majeur, en particulier dans les zones rurales et les quartiers informels de Port-au-Prince. Les quartiers précaires de la zone métropolitaine ne sont pas alimentés en eau potable. Les habitants peinent à trouver de l’eau à des prix très élevés par des entrepreneurs généralement à la solde des gangs. Dans les zones rurales, les habitants utilisent les eaux des rivières et d’autres espèces naturelles. La mauvaise qualité des eaux entraîne souvent des maladies infectieuses notamment le retour du choléra qui a atteint plus de 79000 cas suspects incluant 4600 cas confirmés et 1172 décès en janvier 2024[4].
Les services de soins prénatals et postnataux sont limités, ce qui contribue à un taux de mortalité maternelle élevé, estimé à environ 480 décès pour 100 000 naissances vivantes (selon l’OMS). Cela résulte d’un accès limité aux soins obstétricaux et d’un manque de personnel qualifié pour les accouchements. En effet, les principaux centres hospitaliers de la zone métropolitaine sont dysfonctionnels. Le centre maternité Isaïe Jeanty situé dans le quartier de Pont rouge est inaccessible. L’hôpital général, le plus grand centre hospitalier du pays, est quasiment détruit par les gangs. D’autres centres hospitaliers à Carrefour et Gressier sont fermés. De nombreux centres de santé et cliniques privées sont fermés. A cause de l’insécurité et l’émigration, Haïti a perdu 60% de ses professionnels qualifiés dans le domaine de la santé.
Malgré la dégradation et l’inaccessibilité des infrastructures sanitaires dans la zone métropolitaine, il n’y a pas d’efforts observés pour renforcer les hôpitaux dans les provinces. Ils continuent à fonctionner dans des situations difficiles.
Problèmes de malnutrition : La malnutrition chronique touche environ 22 % des enfants de moins de cinq ans en Haïti selon l’UNICEF, ce qui affecte leur développement physique et cognitif et contribue à la mortalité infantile.
Logement : Le droit à un logement décent est loin d’être garanti en Haïti. Les quartiers précaires et surpeuplés sont exposés aux risques de catastrophes naturelles, tels que les tremblements de terre et les cyclones. Les violences des gangs ont également entraîné des déplacements internes, forçant de nombreuses familles à quitter leur domicile et à vivre dans des conditions extrêmement précaires. En 2024, OIM a comptabilisé plus de 580.000 personnes déplacées internes à cause des violences. Elles sont installées dans abris de fortunes ou dans des écoles et certaines institutions publiques. D’autres sont retournés dans leur région de naissance ; mais les conditions d’accueil sont très précaires. Il n’y a pas d’initiatives institutionnelles pour faciliter le relogement de ces PDI.
Emploi et Travail décent : L’insécurité a fait fuir les emplois en Haïti. CPD a comptabilisé plus d’une cinquantaine d’entreprises qui ont été forcées de fermer leur porte à cause des violences dans les zones de Cité soleil. Le Parc industriel de Varreux fonctionne a moins de 50%. Des milliers d’ouvriers ont perdu leur emploi. Le secteur informel domine l’économie haïtienne, cependant la population arrive difficilement à tenir son commerce à cause de l’insécurité. Les principaux centres d’échanges commerciaux à Port-au-Prince ont été détruits. Le taux de chômage est inestimable.
Les emplois dans la fonction publique sont sous-payés. Les enseignants du secteur public sont sous-payés et travaillent dans des conditions difficiles ; ils rentrent souvent en grève pour exiger de meilleures conditions de travail et un salaire décent. Ceux du secteur privé ont du mal à gagner un revenu chaque fois que les écoles sont fermées car ils ne sont payés que pour les heures travaillées. La pauvreté persiste, avec des revenus insuffisants pour couvrir les besoins essentiels des ménages.
Le droit à l’éducation : L’école est fortement affectée par l’insécurité. Il n’y a pas de classe dans tous quartiers contrôlés par les gangs armés. Cela concerne près d’un million d’enfants en âge de scolarité. Beaucoup de parents ont déménagé avec leurs enfants dans les provinces afin de les envoyer à l’école. Cependant, l’Etat haïtien n’a pas annoncé l’ouverture de nouvelles écoles en 2024. On estime à plus de 850 000 enfants[5] non scolarisés dans le pays. A ne pas parler de la qualité de l’offre scolaire qui continue à se dégrader.
9. Les droits de l’homme et de l’environnement.
(Recommandations #50,51,52,53,54.55,56,57,58)
Cette thématiquea fait objet de 8 recommandations. La question du déboisement est la principale préoccupation. En son état actuel, la situation de l’environnement s’est aggravée en Haïti. La couverture forestière a atteint son niveau le plus bas. Les habitants continuent de couper les arbres pour subvenir à leurs besoins. Nous n’avons pas observé de politiques ni d’initiatives qui donneraient une alternative aux utilisateurs du bois.
L’état physique de la capitale haïtienne est délabré. L’Etat abandonne le centre-ville de Port-au-Prince qui baigne dans un marre d’insalubrité. Il n’y a pas d’assainissement dans les quartiers populaires. Les gens pataugent dans la boue et la crasse et sont littéralement exposés à des risques d’épidémie sévère.
10. Ratification et adhésion aux instruments internationaux (recommandations# 1,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11,12,13,14,15,16,17,18,19,20,21,22,23,24,25,26,27,28.29,30)
Avec notamment, une vingtaine de recommandation spécifiques pourenvisager la ratification des instruments internationaux des droits de l’homme, notamment la Convention sur la torture et certains protocoles additionnels
Malheureusement, depuis 2021, il n’y pas de parlement en Haïti. Les prérogatives de ratifications des Traités sont réservées uniquement au pouvoir législatif. En conséquence, aucune convention n’a été ratifiée durant la période.
———————————————————————————————————————
11. Bonne gouvernance et corruption (recommandations 69,70,71,72,73,74,75,76,77,78,79,80)
Avec 12 recommandations, rappelant l’obligation de rétablir l’Etat de droit en renforçant les institutions républicaines par le bannissement de toutes les tentatives d’acte de corruption en Haïti.
Depuis 2021, après l’assassinat du Président de la République, Haïti est plongé dans une transition sans fins et sans objets. Les dirigeants et les politiciens ont trouvé des stratégies de partage du pouvoir à travers différents accords, sans pour autant renforcer les institutions. Dans l’intervalle le pays est secoué par de nombreux scandales de corruption et trois ans se sont écoulés depuis le vide présidentiel, il n’y a pas eu d’élections.
En 2024, sous l’impulsion de la communauté internationale notamment le CARICOM, un Conseil présidentiel de 9 membres est installé. Un nouveau Premier ministre a formé et dirigé un gouvernement dont la principale mission serait d’organiser des élections. Malheureusement, nous avons assisté à des conflits au sein du CPT et aussi des allégations de corruption grave contre 3 de ses membres.
Entre 2022 et 2024, l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) en Haïti a traité un total de 66 dossiers. Parmi ceux-ci, 7 rapports ont été finalisés et remis à la justice, impliquant des infractions telles que le détournement de biens publics, l’enrichissement illicite et l’abus de fonction. Cependant, seuls 5 dossiers ont abouti à des condamnations, et 60 dossiers restent en attente de traitement. Cela montre que, bien que l’ULCC soit active, il reste encore beaucoup à faire pour lutter efficacement contre la corruption en Haïti.
12. Droits des personnes handicapées
(Recommandations # 196,197,198,199,200,201,202,203)
Les recommandations du Conseil des droits de l’homme visant à intégrer les droits des femmes et des filles handicapées dans la législation sur l’égalité des sexes et d’autres politiques pertinentes en Haïti n’a pas été pleinement mise en œuvre.
Plusieurs facteurs contribuent à ce retard :
1. Cadre législatif insuffisant : Bien que des progrès aient été réalisés dans la législation sur l’égalité des sexes, notamment avec l’adoption de lois sur la protection contre les violences basées sur le genre, les droits spécifiques des femmes et des filles handicapées restent insuffisamment intégrés. La législation existante ne prend pas suffisamment en compte les intersections entre le genre et le handicap, laissant de nombreuses femmes et filles handicapées vulnérables.
2. Faible application des politiques : Les politiques en matière d’égalité des sexes sont souvent mal appliquées en raison d’un manque de ressources, de la corruption et de la faiblesse des institutions. Cette situation est aggravée pour les femmes et les filles handicapées, qui sont souvent invisibilisées dans les efforts de mise en œuvre. La Politique Nationale d’égalité femmes-hommes a été élaborée et adoptée sans la participation des femmes handicapées et ne tient pas compte de ces dernières.
3. Manque de données : Le manque de données désagrégées sur le genre et le handicap rend difficile l’élaboration de politiques et de programmes adaptés aux besoins spécifiques des femmes et des filles handicapées.
4. Absence de sensibilisation et de formation : Les acteurs de la société civile et les institutions étatiques manquent souvent de sensibilisation et de formation sur les droits des personnes handicapées. Cela entraîne une prise en compte insuffisante de ces droits dans la conception et l’exécution des politiques publiques.
5. Consultation et participation : Assurer la participation active des femmes et des filles handicapées et des organisations les représentant dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. Leur voix doit être centrale pour garantir que les politiques répondent réellement à leurs besoins.
13. Conclusions générales et recommandations
Au cours de la période 2022-2024, la situation des droits de l’homme en Haïti a continué de se détériorer, marquée par une insécurité omniprésente, des violations systématiques des droits fondamentaux et une crise humanitaire exacerbée. Les gangs armés, qui ont pris le contrôle de vastes portions du territoire, ont non seulement restreint la liberté de mouvement des citoyens, mais ont également intensifié les actes de violence, de kidnapping et d’agressions sexuelles. Ces circonstances ont plongé une grande partie de la population dans une précarité alarmante, affectant particulièrement les femmes et les enfants, qui sont les plus vulnérables face à ces abus.
Toutes les recommandations de l’EPU que nous avons analysées sont restées sans réponse. En effet, le manque d’un gouvernement stable et d’institutions judiciaires efficaces a amplifié la situation, rendant presque impossible l’accès à la justice pour les victimes de violations des droits humains. Les efforts de la communauté internationale pour soutenir Haïti se heurtent souvent à des réalités complexes, où l’absence de coordination et de stratégie à long terme entrave des interventions significatives.
Face à ce constat, les pairs évaluateurs doivent aborder d’autres approches pour aider Haïti améliorer la situation des droits de l’homme en Haïti. Au-delà, des recommandations particulières et spécifiques, la société civile haïtienne recommande vivement de d’orienter les nouvelles recommandations vers les éléments suivants :
1) Renforcement de la sécurité : Les autorités haïtiennes, en collaboration avec la communauté internationale, doivent mettre en place des stratégies efficaces pour lutter contre la violence des gangs, en renforçant les capacités de la police et en promouvant des initiatives de désarmement.
2) Soutien à la justice : Il est crucial d’établir des mécanismes de justice transitionnelle et de garantir l’indépendance du système judiciaire. Cela permettra de traiter les violations passées et de restaurer la confiance du public dans les institutions.
3) Protection des droits des groupes vulnérables : Des programmes spécifiques doivent être développés pour protéger les droits des femmes et des enfants, notamment en matière de prévention des violences sexuelles et d’accès à l’éducation.
4) Engagement de la communauté internationale : Les pays et organisations internationales doivent s’engager à fournir une assistance durable et à soutenir des initiatives de développement à long terme, tout en respectant la souveraineté d’Haïti.
5) Promotion d’un nouveau contrat social : Il est essentiel d’encourager un dialogue inclusif entre toutes les parties prenantes haïtiennes, y compris la société civile, pour construire un consensus sur les priorités nationales en matière de droits de l’homme et de la gouvernance.
6) L’Etat haïtien devrait renforcer les infrastructures des Directions départementales du ministère à la condition féminine et aux droits de la femme afin de protéger davantage les femmes survivantes. L’Etat haïtien devrait créer un fond d’aide aux victimes d’agressions sexuelles.
7) Les acteurs de la chaîne pénale doivent être formés sur la protection et appliquer des lignes de conduites plus appropriées aux conditions des survivantes de crimes sexuels.
8) Révision et renforcement des lois : Intégrer explicitement les droits des femmes et des filles handicapées dans la législation sur l’égalité des sexes et dans toutes les politiques publiques sur le handicap. Cela inclut la reconnaissance des formes multiples de discrimination qu’elles subissent.
9) Veiller à ce que les lois sur le handicap prennent en compte les enjeux liés au genre, notamment en ce qui concerne la violence, la santé reproductive, et l’accès à l’éducation et à l’emploi.
10) L’Etat doit entamer une réforme sociale dans la répartition des richesses du pays.
11) L’Etat doit prendre des dispositions pour élaborer un plan global de développement durable qui prendra en compte l’accès à la sécurité de population dans les quartiers et introduira dans le curriculum éducatif la protection de l’environnement et le climat.
12) Garantir l’enquête sur les allégations d’utilisation du viol comme arme de guerre et sanctionner sans exception ni considération hiérarchique tous les auteurs d’actes sexuels violents, y compris ceux appartenant aux gangs armés.
13) Allouer un budget réaliste pour l’application effective d’une politique genre visant à combattre les violences basées sur le genre ;
[1] CPD. (2023). La présentation de CPD lors de la 189e session d’audience devant la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) à Washington le 29 février 2024. https://cpdhaiti.org/la-presentation-de-cpd-lors-de-la-189e-session-daudience-devant-la-commission-interamericaine-des-droits-de-lhomme-cidh-a-washington-le-29-fevrier-2024/
[2] Le PAM en Haïti : livret d’information. https://uploads.geobingan.info/attachment/fe5403
[3] ibid
[4] Haiti Humanitarian Crisis – Grade 3 – PAHO/WHO | Pan American Health Organization
[5] UNICEF
[1] rapport_trimestriel_sur_la_situation_de_droits_de_lhomme_en_haiti.pdf (unmissions.org)
[2] Mandats de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme; du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises; du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles- REFERENCE: AL HTI 1/2021